Comme la fois précédente, nous avions 5 professeurs qui sont considérés comme des dieux par beaucoup. Je nomme :

Richard Nunns, ethnomusicologue, membre fondateur de Haumanu, 37 ans de recherche sur les instruments Māoris à son actif

Brian Flintoff, sculpteur, membre fondateur de Haumanu, autant d'années de sculpture d'instruments

Warren Warbrick, fabricant et joueur de taonga pūoro

James Webster, fabricant et joueur de taonga pūoro, ainsi que de karetao, les marionnettes traditionnelles Māories.

Horomona Horo, instrumentiste et professeur 

Voir une vidéo de James et Horomona donnant un spectacle de karetao

Avant de plonger dans les détails de chaque famille d'instruments, vous aurez la joie d'avoir droit à des généralités ! Mais bon, le contexte, c'est important.

Haumanu

Tous ces professeurs font partie d'un groupe qui s'appelle Haumanu. J'en avais parlé brièvement à l'occasion du reportage télé Haumanu. Haumanu signifie à la fois "souffle de oiseaux" et "renaissance".

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Le logo de Haumanu, un kōkako attiré par la musique du nguru

A l'origine de ce collectif étaient feu Hirini Melbourne, Richard et Brian.

Hirini était un auteur, compositeur, poète, écrivain, et maître de conférence à Te Tari Maori, the School of Maori and Pacific Development, au sein de l'université du Waikato. Déjà très investi dans la renaissance de la langue et de la culture Maories, il s'intéressa également aux instruments traditionnels Maoris. C'était la fin des années 80, et on ne les trouvait plus que dans les musées.


Hirini, jouant du pukaea

C'est ce qui l'amena aux côtés de Richard et de Brian. A eux trois, ils ont cherché dans les archives, parcouru le pays et rencontré des centaines d'anciens. Ils créaient des instruments inspirés de ceux vus dans les musées, et tentaient de les jouer. Il était courant que les anciens fondent en larme lorsqu'ils entendaient les sons de leur jeunesse. C'est principalement par ce biais que le groupe savait qu'ils avaient mis à jour une mémoire précieuse.


Hirini (putorino) et Richard (koauau)

Cette recherche s'est évidemment accompagnée de nombreux concerts, disques et wānangas afin de disséminer ce savoir renaissant, puis d'un livre: Taonga pūoro, singing treasures. Pour le grand public, la révélation est venue avec la bande originale de Once Were Warriors. On entend encore fréquemment parler de l'"instrument qui vrombit de Once Were Warriors" pour désigner le purerehua.


Pochette de Te Kū Te Whē

Hirini Melbourne est mort en 2003, mais ses chansons sont toujours chantées et une immense source d'inspiration. Son esprit n'est jamais loin pendant les wānangas de Haumanu, et aujourd'hui, je fais moi aussi partie de Haumanu.

Du chant des dieux, le monde fut créé

La version Māorie de la création du monde montre à quel point la musique est un élément fondamental de la culture :
"Kei a te Pō te timatatanga o te waiatatanga mai i te Atua. Ko te Ao, ko te Ao mārama, ko te Ao tūroa."
Au creux de la nuit, du chant des dieux, le monde fut créé, du monde de la lumière vers le monde de la musique.

Toutes les familles d'instruments ont également une généalogie reliée aux déités du monde naturel : Tāwhirimatea, dieu du vent, Tangaroa, dieu de la mer et des créatures marines, Tānemahuta, dieu de la forêt et de ses habitants, Hine pū te hue, déesse des gourdes qui apaise les esprits, et Hine Rakatauri, déesse des flûtes.

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Hine pū te hue, représentée sur ma hue puruhau


Comme dirait Richard Nunns, ces instruments sont des téléphones portables vers les dieux.

De la musique, mais pas pareille

Ceci m'amène à une petite comparaison de la musique traditionnelle Māorie et de la musique occidentale. Les deux sont fondamentalement différentes, ce qui donne souvent un air ébahi aux touristes américains. C'est aussi une des raisons pour lesquelles j'ai temporairement arrêté de jouer de la flûte traversière.

Chaque taonga pūoro est unique et a sa propre voix. Cela veut aussi dire qu'il n'y a pas d'accordage d'instrument. Soit ton instrument sonne bien avec celui de ton voisin, soit t'en changes.

On ne suit pas de partitions. Tout est basé sur de l'improvisation, même si on utilise souvent les mêmes motifs. Les chants anciens fournissent une excellente source d'inspiration.

Les taonga pūoro sont utilisés dans un contexte rituel et pratique (médecine, plantations, etc.). La musique occidentale est composée pour elle-même.


Une collègue et moi pendant un pōwhiri (cérémonie d'accueil)


La plupart des instruments ont un registre très limité. Les flûtes ont souvent un registre d'une quarte ou quinte pour les gens super forts, disponibles sur deux octaves. Evidemment, ça prend des heures d'arriver à faire toutes ces notes, et d'apprivoiser son instrument.

Ceci est largement inspiré d'un article de Martin Lodge, compositeur. L'article en lui-même n'intéressera probablement que les geeks de la théorie musicale, aka mes parents :)

>> Lire l'article de Martin Lodge  <<

Enfin bref, maintenant je vous sens prêts pour en savoir plus sur les différentes familles d'instruments. La suite au prochain épisode !