Certains d'entre vous se demandent peut-être quel genre de différence il peut y avoir en l'Australie et la Nouvelle Zélande en terme de gestion des populations indigènes. La réponse est : vraiment plein.

Terra Nullius

La première grosse différence vient du premier contact entre les colons et les locaux.

En Australie, les aborigènes formaient une multitude de microsociétés. Etablis depuis plus de 40 000 ans, ils avaient eu le temps de se diversifier, et on comptait plus de 200 dialectes différents, totalement étrangers les uns aux autres. Les tribus ne communiquaient pas énormément entre elles, sauf via quelques sages qui avaient appris plusieurs des dialectes.


Une gravure montrant les natifs de la tribu Gweagal s'opposant à l'arrivée de James Cook en 1770
(Merci Wikipedia)

Cela rendait l'approche difficile, et le commerce encore plus difficile. Du coup les compagnies commerciales qui étaient en général les pionniers de la colonisation n'étaient pas intéressées. Le premier projet de colonisation a été formulé en 1766, et proposait d'établir une colonie de bagnards.


L'intérieur d'un bâteau de bagnards en route pour l'Australie
Merci Albert Suckow

Les premiers colons arrivèrent en 1788. Le pays a été déclaré Terra Nullius. Techniquement, ça signifie qu'aucune forme de gouvernement ou souveraineté n'a été reconnue. Par conséquent, le premier pays à mettre son drapeau dessus peut prendre le pouvoir. Si on étend ça en pratique, ça veut dire que les Aborigènes étaient considérés comme des meubles, ou des animaux, mais pas comme des humains. Dans certains cas, ça a mené à des purges, "chasses", éradications, enlèvements d'enfants, etc.


Photo d'enfants enlevés à leur famille et "bons à donner". La légende :
Un groupe de petits métis et quarterons à la maison métis de Darwin. Le ministre de l'Intérieur a récemment fait appel à des oeuvres charitables et leur a demandé de placer les enfants pour leur épargner le sort de proscrit.
L'annotation : J'aime la fille au centre, mais si elle est prise par quelqu'un d'autre, n'importe lequel des autres ferait l'affaire, tant qu'ils sont robustes.
Photo issue des Australian Archives (“Between Two Worlds”)

Les choses ont commencé à aller mieux en 1962, lorsque les Aborigènes ont obtenu le droit de vote, puis  en 1967, où ils ont obtenu d'avoir les mêmes droits que les blancs. Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Du côté du nuage blanc

De l'autre côté de la mer de Tasmanie, on trouve les Maoris. Installés depuis quelques centaines d'années, toutes les tribus parlent la même langue, à quelques variations régionales près. Et en plus de ça, cette langue est tellement proche du dialecte de Tahiti que le Capitaine Cook avait un interprète avec lui, le navigateur Tahitien Tupaia. Ils ont la peau claire, les femmes sont pulpeuses et les hommes beaux et forts. Ils ont une société plus ou moins similaire aux sociétés européennes avec chef militaire (rangatira), chef religieux/scientifique/agricole (le tohunga), et une noblesse dont l'autorité est héréditaire (ariki), descendant des familles fondatrices et héritant de leur mana. N'oublions pas que l'expédition du capitaine Cook était à but scientifique. Il faisait un détour après avoir observé le transit de Vénus sur la Lune à Tahiti. Son équipage était donc notablement plus cultivé que les équipages qui ont abordé l'Australie.


Illustration tirée du récit du voyage de James Cook en Nouvelle Zélande
Merci Te Papa

Ajoutons à ça l'immense adaptabilité des Maoris, leur pragmatisme, et leur sens du commerce, et tout ne peut que se passer (presque) bien. Côté pragmatique, ils ont très vite remarqué que les clous des blancs faisaient d'excellents hameçons, ou encore que les mousquets étaient des armes formidables. Ils ont vite compris qu'ils pouvaient récolter et vendre le lin de Nouvelle Zélande (harakeke ou flax) aux colons, une plante qu'on trouve absolument partout.


Maoris faisant le haka avec un mix d'armes européennes et Maories. National Library of Australia nla.pic-an2948236
Merci Treaty 2 U

Les Maoris étaient aussi beaucoup plus aptes à botter le cul des Européens. Habitués aux conflits intertribaux, ils étaient préparés pour le combat, et même plutôt bons. Le premier incident lié à une vente de terrain litigieuse s'est produit pas plus tard que 1843 à Wairau, et le gouverneur de l'époque a conclu que les Maoris étaient dans leur droit.


La scène du massacre de Wairau, impression peinte par un colonel 8 ans après l'incident. Turnbull Library B-103-030
Merci History.net

Bref, avec leur excellent sens du commerce et leur opportunisme invétéré, les Maoris ont très rapidement forgé des liens avec les colons. Ils acceptèrent les blancs (Pākēha) parmi eux, et certaines tribus considéraient même qu'ils avaient "leur Pākēha à eux". Ils étaient très contents de cette équilibre, et les opportunités que la société blanche leur apportait... Jusqu'au jour où ils se sont trouvés en minorité dans leur propre pays...

La suite au prochain épisode.